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LETTRES D’UN INNOCENT
27 mai 1895.
Ma chère Lucie,

Je profite de chaque correspondance avec Cayenne pour t’écrire, voulant te donner le plus souvent possible de mes nouvelles.

Je t’ai écrit une longue lettre dans le courant du mois ; je l’ai remise le 18.

Quoique sans nouvelles depuis mon départ de France, — toutes les lettres reçues étant antérieures à notre dernière entrevue, — j’espère cependant qu’au moment où tu recevras cette lettre, le dénouement de notre tragique histoire sera proche.

Quoiqu’il en soit, je te crie toujours avec toutes les forces de mon âme : courage et persévérance !

Les nerfs m’ont dominé souvent, mais l’énergie morale est toujours restée entière ; elle est aujourd’hui plus grande que jamais.

Cuirassons donc nos cœurs contre tout sentiment de douleur et de chagrin, surmontons nos souffrances et nos misères pour ne voir que le but suprême : notre honneur, l’honneur de nos enfants. Tout doit s’effacer devant cela.

Courage donc encore, ma chère Lucie ; je te soutiendrai de toute mon énergie, de toute la force que me donne mon innocence, de toute la volonté que j’ai de voir la lumière se faire entière, complète, absolue, telle qu’il la faut pour nous, pour nos enfants, pour nos deux familles.

De bons baisers aux chers petits.

Je t’embrasse comme je t’aime,

Alfred.
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