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Lorsqu’on commença à connaître mieux cette organisation dont les effets étaient si effrayants, la terreur qu’elle inspira ne fit que s’accroître au lieu de diminuer. Personne ne savait quels étaient les membres de cette association implacable ; leurs noms, le nombre des auteurs ou des complices des meurtres et des crimes, commis au nom de la religion, restaient ensevelis dans le plus profond mystère. Avait-on un ami ? On ne pouvait lui confier ni ses craintes, ni ses appréciations sur le Prophète, ou sur la mission qu’il s’était donnée, car celui-là même peut-être serait le terrible exécuteur des hautes œuvres, qui viendrait, dans l’ombre de la nuit, exercer avec le fer et avec le feu la plus effroyable répression. Chacun se défiait de son voisin et jamais une parole n’était échangée sur ce sujet dont les esprits et les cœurs étaient cependant sans cesse préoccupés.

Par une belle matinée, où John Ferrier se préparait à faire sa tournée dans les champs, le loquet de sa grille se mit à grincer et, de la fenêtre, il aperçut un homme entre deux âges, aux cheveux dorés, à la stature imposante, qui s’avançait dans l’allée. Son cœur ne fit qu’un saut dans sa poitrine ; il venait de reconnaître l’illustre Brigham Young lui-même. Plein d’angoisse, car une pareille visite ne pouvait rien présager de bon, le vieillard courut à sa rencontre pour le saluer respectueusement ; mais le grand chef des Mormons ne reçut que froidement cet hommage