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elle. Cette métamorphose l’effraie bien un peu, mais combien elle en éprouve une douce fierté ! Presque toutes, parmi les femmes, pourraient se rappeler la date exacte où un incident, souvent futile en apparence, a fait luire à leurs yeux l’aurore d’une vie nouvelle. C’est ainsi que dans l’existence de Lucy Ferrier survint un événement de ce genre, moins important par lui-même que par les suites funestes qu’il devait avoir et pour elle, et pour bien d’autres encore.

Par une chaude matinée de juin, ceux qui s’intitulaient « les ouvriers de la dernière heure » étaient aussi occupés que les abeilles dont ils avaient pris la ruche pour emblème. Dans les champs comme dans les rues, régnait le même bourdonnement produit par l’activité humaine. Sur les chemins poudreux se succédaient de longues files de mules pesamment chargées ; toutes se dirigeaient vers l’Ouest, car la fièvre de l’or avait éclaté en Californie et la route qui y menait traversait la cité des Élus. On voyait aussi, tantôt des troupeaux de moutons et de bœufs arrivant des pâturages lointains, tantôt des caravanes d’émigrants où les hommes et les chevaux paraissaient exténués d’un trop long voyage. Cherchant sa voie au milieu de tout ce tohu-bohu, Lucy Ferrier galopait avec l’habileté d’une amazone consommée ; l’animation de la course colorait légèrement son teint transparent et ses longs cheveux