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plus fertile, on aurait cru à la présence d’un de ces grands troupeaux de bisons qui errent en paissant dans la praire ; seulement dans des parages aussi désolés, une telle hypothèse était inadmissible. Lorsque ce nuage de poussière se fut rapproché du rocher qui abritait les deux voyageurs égarés, on put distinguer, à côté de chariots recouverts de toile, la silhouette de cavaliers armés. C’était donc une caravane en marche dans la direction de l’ouest. Mais combien immense ! Les premiers rangs avaient déjà atteint le pied des montagnes, que les derniers n’étaient pas encore visibles à l’horizon. Tous ces éléments divers, fourgons et charrettes, cavaliers et piétons, s’égrenaient d’un bout à l’autre de l’énorme plaine. Les femmes chancelaient sous des fardeaux trop lourds, les enfants marchaient d’un pas mal assuré, ou montraient leurs figures curieuses sous la bâche des chariots. Certes, ce n’étaient pas là des émigrants ordinaires, c’était plutôt un peuple nomade, contraint par des circonstances cruelles à se mettre en quête d’une nouvelle patrie. De toute cette masse grouillante s’élevaient des clameurs confuses que dominaient le grincement des roues et le hennissement des chevaux. Ce tumulte ne parvint cependant pas à tirer de leur engourdissement les deux malheureux endormis sur le sommet du rocher.

En tête de la colonne marchaient une vingtaine