Page:Doyle - Premières aventures de Sherlock Holmes, 1913.djvu/78

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le diadème, en a cassé une partie est allé dans quelque autre endroit, et y a caché trois des trente-neuf pierres, avec tant d’habileté que personne ne peut les trouver ; qu’il est ensuite retourné avec les trente-six autres pierres dans cette pièce où il avait toutes les chances possibles d’être découvert. Je vous le demande, une telle théorie est-elle soutenable ?

— Alors, quelle est la vôtre ? dit le banquier avec désespoir. S’il n’avait pas de mauvaises intentions, pourquoi ne s’explique-t-il pas ?

— C’est à nous de trouver la raison de ce silence, répliqua Holmes ; si vous le voulez bien, monsieur Holder, nous irons ensemble à Streatham, et nous passerons une heure à examiner les lieux. »

Mon ami insista pour que je fisse partie de l’expédition, ce que je désirais vivement, car ma curiosité et ma sympathie étaient vivement excitées par l’histoire que nous venions d’entendre. J’avoue que la culpabilité du fils du banquier me paraissait aussi évidente qu’à son pauvre père, mais j’avais tant de confiance dans le jugement de Holmes que je me reprenais à espérer avec lui. Il ne dit pour ainsi dire pas un mot pendant tout le trajet, il resta plongé dans les plus profondes réflexions, la tête penchée sur la poitrine, le chapeau baissé sur les yeux. Notre client semblait avoir repris un peu courage à la lueur d’espoir qu’on lui avait donnée, et il causa même un peu avec moi de son affaire. Un court trajet en chemin de fer, une promenade à pied plus courte encore, nous amenèrent à Fairbank, la modeste résidence du grand financier.

Fairbank était une maison carrée assez grande, en pierre blanche, située à quelque distance de la route. Une double allée carrossable, autour d’une pelouse toute blanche de neige, conduisant à deux larges grilles de fer. À droite était un petit guichet en bois, d’où un sentier étroit bordé de haies conduisait à la porte de la cuisine : c’était l’entrée des fournisseurs. À gauche, une ruelle menant aux écuries ; mais cette ruelle était en dehors de la propriété, et publique, quoique peu fréquentée. Holmes nous quitta à la porte et fit lentement le tour de la maison, puis il gagna la rue, revint par le sentier des fournisseurs au jardin situé derrière la maison et par les écuries arriva à la ruelle. Il resta si longtemps absent que M. Holder et moi nous nous installâmes près du feu dans la salle à manger, pour attendre son retour. Nous étions là depuis un instant, quand la porte s’ouvrit, et une jeune fille entra. Elle était d’une taille plutôt au-dessus de la moyenne, mince, avec des yeux et des cheveux foncés, ressortant vivement sur son teint blanc et transparent. Je ne crois pas avoir jamais vu pareille pâleur chez une femme. Ses lèvres mêmes étaient blanches, et ses yeux étaient rougis par les larmes. En la voyant entrer silencieusement dans la pièce, elle me sembla porter la trace d’un chagrin encore plus intense que celui du banquier ; cela frappait d’autant plus qu’elle semblait une femme de caractère, possédant une force d’âme peu commune. Sans s’inquiéter de ma présence, elle vint droit à son oncle et lui passa la main sur la tête, en une caresse bien féminine.

— Vous avez donné l’ordre de faire relâcher Arthur, n’est-ce pas, oncle ?

— Non, non, mon enfant, il faut que cette affaire soit éclaircie à fond.

— Mais je suis sûre qu’il est innocent. Ce n’est, il est vrai, qu’un instinct de femme. Je sens qu’il n’a rien fait de mal, et que vous regretterez d’avoir agi si durement.

— Pourquoi refuse-t-il de parler, s’il est innocent ?

— Qui sait ? peut-être par colère d’être soupçonné.

— Comment ne pas le soupçonner, en lui voyant le diadème entre les mains ?

— Oh ! il l’avait seulement pris pour le regarder. Je vous en supplie, croyez-moi, il est innocent. Laissez tomber l’affaire, et qu’on n’en parle plus. C’est si horrible de penser que notre Arthur est en prison !

— Je n’arrêterai les recherches que quand les pierres auront été trouvées — pas avant, Mary ! Votre affection pour Arthur vous aveugle au point que vous en oubliez les conséquences terribles qui résulteront pour moi de cette affaire. Bien loin d’étouffer les choses, j’ai amené de