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C’était ce même Craddock qui avait été jugé en Virginie et condamné à mort pour l’assassinat du chef des Seminoles, et, s’il était parvenu à s’échapper, nul n’ignorait qu’il avait dû son salut à la fois à la vénalité des témoins et des juges.

Plus tard il avait successivement commandé un négrier, avait, disait-on tout bas, fait de la piraterie et, en somme, avait laissé dans la baie du Bénin la plus mauvaise renommée. Finalement, il était rentré à la Jamaïque, possesseur d’une fortune considérable, et il s’était empressé de mener une existence toute de dissipation. C’était cet homme, maigre, austère et dangereux, qui avait sollicité du gouverneur une audience pour lui exposer le plan qu’il avait formé en vue de débarrasser le monde du terrible Sharkey.

Sir Edward le reçut avec peu d’enthousiasme. En dépit des bruits qui couraient sur sa conversion et sa conduite désormais inattaquable, il l’avait toujours considéré comme une brebis galeuse capable de contaminer tout son petit troupeau. Craddock se rendit facilement compte de l’instinctive défiance que le gouverneur s’efforçait de dissimuler sous les apparences d’une politesse affectée.