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De Bonneville l’avait quitté avec quelques paroles de sympathie, mais le moine continuait d’arpenter le pont, et deux soldats, placés en sentinelles sur la poupe, passaient et repassaient à quelques pieds de lui. Le cœur malade, il se penchait au-dessus de la lisse, regardant les Indiens barbouillés de peinture avec leurs plumes piquées dans leurs tignasses noires, et reportant ses yeux du côté de la ville où les pignons tordus et les murs noircis des maisons montraient encore les effets du terrible incendie qui, quelques années auparavant, avait détruit toute la partie basse.

Son attention fut, soudain, attirée par le bruit rythmé des avirons, et un grand canot rempli d’hommes passa juste au-dessous de lui.

Il emportait les Américains qui devaient être transbordés sur le navire chargé de les rapatrier. Les quatre marins étaient assis ensemble à l’avant, et sur l’arrière se tenaient le capitaine Éphraïm Savage et Amos Green. La figure ridée du vieux puritain et les traits hardis du coureur de bois se tournèrent plus d’une fois dans sa direction, mais pas une parole, pas un geste de leur main n’apporta un adieu à l’exilé. Il aurait tout supporté de la part de ses ennemis, mais cet abandon de la part de ses amis, après toutes ses misères, lui pesa lourdement sur le cœur. Il laissa tomber sa tête dans ses mains et se mit à sangloter. Lorsqu’il releva les yeux, ce fut pour apercevoir le brick qui avait levé l’ancre et louvoyait, toutes voiles dehors, pour sortir de la passe de Québec.