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prêtez-moi votre bras pour me conduire sur le pont.

Quelques minutes plus tard, le vieux marchand était assis sur un paquet de cordages, le dos appuyé contre le mât, à l’abri de la foule. Il contempla le paysage continental et dit :

— Cela ne ressemble pas à la France. Ce n’est pas vert et calme et souriant comme elle ! Mais c’est une terre neuve et innocente, qui n’a aucun crime à racheter, pas de luttes, pas de péchés, une terre qui n’a pas connu le mal. Et, à mesure que les années se dérouleront, tous les misérables, sans patrie et sans foyer, tous ceux qui sont en butte aux persécutions et à l’injustice dans leur pays, tourneront leurs pas vers cette terre comme nous l’avons fait nous-mêmes. Je vois une nation puissante, une nation qui se donnera pour tâche d’élever les humbles plutôt que d’exalter les riches, qui comprendra qu’il y a plus de gloire dans la paix que dans la guerre, qui ne se confinera pas étroitement dans les limites de ses frontières, et dont le cœur s’associera à toutes les nobles causes du monde entier.

Sa tête s’était penchée peu à peu sur sa poitrine ; ses paupières s’étaient fermées lourdement. Adèle poussa un cri et jeta ses bras autour du cou du vieillard.

— Il va mourir, Amaury, il va mourir !

Un frère franciscain, au visage dur, qui égrenait son chapelet à quelques pas du groupe, entendit ce cri et s’approcha vivement.

— Il va mourir, en effet, dit-il en regardant le