Page:Doyle - Les Réfugiés.djvu/260

Cette page a été validée par deux contributeurs.

à accepter une vie pire que la mort, à manier la rame sur les vaisseaux du roi ou à travailler la chaîne au cou sur les routes de France. C’était une alternative terrible pour une population si nombreuse qu’elle formait à elle seule une petite nation. Et ce qu’il y avait de plus terrible pour Mme de Maintenon, c’est que c’était elle qui devait requérir contre ceux de son propre sang. Elle avait donné sa parole et le temps était venu de la tenir.

L’éloquent évêque de Meaux, Bossuet, était là avec Louvois, le ministre de la guerre et le fameux jésuite, le Père La Chaise, chacun entassant arguments sur arguments pour vaincre les hésitations du roi. Près d’eux se tenait debout un autre petit prêtre, si décharné, si pâle qu’on eût pu croire qu’il venait de se lever de son lit de mort, mais ses grands yeux noirs brillaient de lueurs farouches, et ses mâchoires serrées, ses sourcils rapprochés, indiquaient chez cet homme une résolution terrible et indomptable. Mme de Maintenon, penchée sur sa tapisserie, mêlait les soies voyantes sans prononcer une parole, tandis que le roi, la tête appuyée sur sa main, écoutait de l’air d’un homme qui sait l’inutilité de toute résistance, certain qu’il sera obligé d’accepter la décision prise. Sur la petite table était posée une feuille de papier avec de l’encre et une plume : c’était l’ordre de révocation, et il n’y manquait plus que la signature du roi pour en faire la loi du pays.