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les deux rangs de maisons, les pavés inégaux de la rue Saint-Martin, sur lesquels sonnaient les pas des bourgeois affairés.

À l’intérieur, la fenêtre était garnie d’un grand banc recouvert de cuir de Cordoue gaufré sur lequel la famille pouvait prendre place et suivre derrière les rideaux le mouvement de la rue. Deux personnes étaient en ce moment assises sur ce banc, un homme et une femme, mais leurs dos étaient tournés à la fenêtre et ils avaient devant eux la grande pièce richement meublée. De temps en temps ils échangeaient un regard et leurs yeux disaient qu’ils n’avaient pas besoin d’un autre spectacle pour être heureux.

Et certes, il n’y avait pas à s’en étonner, car c’était un couple singulièrement favorisé. Elle était jeune — vingt ans au plus — avec un teint très pâle il est vrai, mais d’une pâleur éclatante, fraîche et saine, dont la moindre coloration eût gâté la grâce juvénile. Ses traits avaient une douceur et une délicatesse extrêmes ; ses cheveux noirs à reflets bleus et ses longs cils formaient un contraste piquant avec ses grands yeux rêveurs et sa peau d’un blanc d’ivoire. Il y avait dans l’expression de ce jeune visage quelque chose de modeste et de résigné qu’accentuait encore la simplicité de la toilette de taffetas noir sans autre ornement qu’une petite broche de jais.

L’homme qui était assis à côté d’elle pouvait avoir une trentaine d’années ; il avait une superbe tête de soldat, avec des traits énergiques, une