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jim harrison, boxeur

Trente rounds avaient eu lieu en une heure vingt-cinq minutes et la pluie battante était plus forte que jamais.

Une vapeur épaisse montait des deux combattants et le ring était transformé en une mare de boue.

Des chutes multiples avaient donné aux adversaires une couleur brune à laquelle se mêlaient ça et là d’horribles taches rouges.

Chaque round avait donné l’indice que Wilson le Crabe baissait et il était évident, même pour mes yeux inexpérimentés, qu’il s’affaiblissait rapidement.

Il s’appuyait de tout son poids sur les deux Juifs quand ils le ramenaient dans son coin et il chancelait quand ils cessaient de le soutenir.

Mais sa science, grâce à de longs exercices, avait fait de lui une sorte d’automate, de sorte que s’il se ralentissait et frappait avec moins de force, il le faisait toujours avec la même justesse.

Et même un observateur de passage aurait pu croire qu’il avait le dessus dans la lutte, car c’était le forgeron qui portait les marques les plus terribles.

Mais il y avait dans les yeux de l’homme de l’Ouest je ne sais quelle fixité, quel égarement, on ne sait quel embarras dans la respiration qui nous révélaient que les coups les plus dangereux ne sont pas ceux qui se voient le mieux à la surface.

Un vigoureux coup de travers, lancé à la fin du trente et unième round, lui coupa la respiration et quand il se redressa pour le trente-deuxième round, dans une attitude plus élégamment brave que jamais, on eût dit qu’il avait le vertige, tant sa physionomie rappelait celle d’un homme qui a reçu un coup d’assommoir.

— Il a perdu au jeu de la balle au pot, s’écria Belcher. Vous pouvez y aller de votre façon, maintenant.