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jim harrison, boxeur

Non seulement une bonne partie de sa fortune était en jeu, mais encore, il s’agissait de la situation terrible où il allait se trouver devant cette foule immense, parmi laquelle étaient bien des gens qui avaient risqué leur argent d’après son jugement, et il se verrait peut-être au dernier moment réduit à faire des excuses sans valeur, au lieu d’avoir un champion à présenter.

Quelle situation pour un homme qui s’était toujours fait gloire de son aplomb, se donnait comme capable de mener toutes les entreprises avec un grand succès.

Moi qui le connaissais bien, je voyais à la couleur livide de ses joues et à l’agitation nerveuse de ses doigts, qu’il ne savait réellement plus où donner de la tête. Mais un étranger qui eût vu son attitude dégagée, la façon dont il faisait voltiger son mouchoir brodé, dont il maniait son bizarre lorgnon, dont il agitait ses manchettes, n’eût jamais cru que cette sorte de papillon pût avoir le moindre souci terrestre.

Il était bien près de neuf heures lorsque nous fûmes prêts à partir pour les dunes de Crawley.

À ce moment-là, la voiture de mon oncle était presque la seule qui restât dans la rue du village. Les autres voitures étaient restées la nuit, avec leurs roues entrecroisées, les brancards de l’une posés sur la caisse de l’autre en rangs aussi serrés qu’on avait pu les mettre, depuis la vieille église jusqu’à l’orme de Crawley et qui couvraient la route sur cinq de front et un bon demi-mille de longueur.

À ce moment, la rue grise du village s’allongeait devant nous, presque déserte.

On n’y voyait plus que quelques femmes et enfants.

Hommes, chevaux, voitures, tout était parti.

Mon oncle tira ses gants de cheval et arrangea son habillement avec un soin méticuleux, mais je remar-