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jim harrison, boxeur

vaisseaux, menaient à combattre contre les Français une férocité qu’ils n’auraient jamais montrée, s’il s’était agi de Danois, de Hollandais ou d’Espagnols.

Si, maintenant que cinquante ans se sont écoulés, vous me demandez d’où venait ce sentiment de virulence à leur égard, ce sentiment si étranger au caractère anglais avec son laisser-aller et sa tolérance, je vous avouerai que, selon moi, c’était la crainte.

Naturellement, ce n’était point une crainte individuelle. Nos détracteurs les plus venimeux ne nous ont jamais qualifiés de lâches. C’était la crainte de leur étoile, la crainte de leur avenir, la crainte de l’homme subtil dont les plans paraissaient toujours tourner heureusement, la crainte de la lourde main qui avait jeté à bas une nation, puis une autre.

Notre pays était petit et au temps de la guerre, sa population n’était guère supérieure à la moitié de celle de la France.

Et alors, la France s’était agrandie par des bonds gigantesques.

Elle s’était avancée au nord jusqu’à la Belgique et à la Hollande.

Elle s’était accrue par le sud en Italie.

Pendant ce temps, nous étions affaiblis par la haine profonde qui régnait en Irlande entre les Catholiques et les Presbytériens.

Le danger était imminent, évident pour l’homme le plus incapable de réflexion.

On ne pouvait se promener le long de la côte du Kent sans voir les amas de bois amoncelés pour servir de signaux et avertir le pays du débarquement de l’ennemi, et quand le soleil brillait sur les hauteurs du côté de Boulogne, on voyait son éclat se refléter sur les baïonnettes des vétérans qui manœuvraient.