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jim harrison, boxeur

figure pleine et placide, une de ces figures que l’on attribuerait à un philosophe, à un philanthrope, plutôt qu’à un marin guerrier.

— Voici Cuddie Collingwood, dit tout bas mon père.

— Hello, lieutenant Stone ! dit d’un ton très cordial le fameux amiral. Je vous ai à peine entrevu, depuis que vous vîntes à bord de l’Excellent après Saint-Vincent. Vous avez eu la chance de vous trouver aussi sur le Nil, à ce qu’on m’a dit ?

— J’étais troisième sur le Thésée, sous Millar, monsieur.

— J’ai failli mourir de chagrin de ne m’y être point trouvé. J’ai eu bien de la peine à m’en remettre. Quand on pense à cette brillante expédition !… Et dire que j’étais chargé de faire la chasse à des bateaux de légumes, aux misérables bateaux chargés de choux, à San Lucar.

— Votre tâche valait mieux que la mienne, Sir Cuthbert, dit une voix derrière nous, celle d’un gros homme en uniforme de capitaine de poste qui fit un pas en avant pour se mettre dans notre cercle.

Sa figure de mâtin était agitée par l’émotion et, en parlant, il hochait piteusement la tête.

— Oui, oui, Troubridge, je sais comprendre les sentiments et y compatir.

— J’ai passé cette nuit-là dans le tourment, Collingwood, et elle a laissé ses traces sur moi, des traces qui dureront jusqu’à ce qu’on me lance par-dessus le bord dans un cercueil de toile à voile. Dire que j’avais mon beau Culloden échoué sur un banc de sable, trop loin pour tirer un coup de canon. Entendre et voir la bataille pendant toute la nuit, sans pouvoir tirer une seule bordée, sans même ôter le tampon d’un seul canon ! Deux fois, j’ai ouvert ma boîte à pistolets pour