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jim harrison, boxeur

L’homme, qui venait de parler, était le personnage le plus extraordinaire qu’il y eut dans cette salle où s’en trouvaient de si extraordinaires.

Il était vieux, très vieux, si vieux même qu’il échappait à toute comparaison et personne n’eut été en état de dire son âge, d’après sa peau momifiée et ses yeux de poisson.

Quelques rares cheveux gris étaient épars sur son crâne jauni. Quant à ses traits, ils avaient à peine quelque chose d’humain, tant ils étaient déformés, car les rides profondes et les poches flasques de l’extrême vieillesse étaient venues s’ajouter sur une figure qui avait toujours été d’une laideur grossière et que bien des coups avaient achevé de pétrir et d’écraser.

Dès le commencement du repas, j’avais remarqué cet être-là, qui appuyait sa poitrine contre le bord de la table, comme pour y trouver un soutien nécessaire, et qui épluchait, d’une main tremblante, les mets placés devant lui.

Mais, peu à peu, comme ses voisins le faisaient boire copieusement, ses épaules reprirent de leur carrure. Son dos se raidit, ses yeux s’allumèrent, et il regarda autour de lui, d’abord avec surprise, comme s’il ne se rappelait pas bien comment il était venu là, puis avec une expression d’intérêt véritablement croissant.

Il écoutait, en se faisant de sa main un cornet acoustique, les conversations de ceux qui l’entouraient.

— C’est le vieux Buckhorse, dit à demi-voix le champion Harrison. Il était exactement comme cela, il y a vingt ans, quand j’entrai pour la première fois dans le ring. Il y eut un temps où il était la terreur de Londres.

— Oui, il l’était, dit Bill War. Il se battait comme un cerf dix-cors et il avait une telle endurance qu’il se laissait jeter à terre d’un coup de poing, par le premier