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— Eh bien, quoi, quoi !

— Pourquoi si longtemps nous…

Je n’achevai pas. Nous nous embrassâmes, et pendant trois minutes nous ne prononçâmes pas un mot.

— Écoute ! Qu’est-ce que tu pensais de moi ? demanda la princesse.

— Ah ! Je pensais beaucoup, Catherine. Je pensais toute la journée et toute la nuit…

— Et pendant la nuit, tu parlais de moi. J’ai entendu.

— Est-ce possible ?

— Que de fois tu as pleuré !

— Tu vois. Pourquoi étais-tu si orgueilleuse ?

— J’étais stupide, Niétotchka. C’est comme ça. Cela m’arrive… Et j’étais furieuse contre toi.

— Pourquoi ?

— Parce que j’étais mauvaise, et avant tout parce que tu es meilleure que moi, et puis parce que papa t’aime mieux. Et papa est un brave homme, Niétotchka, n’est-ce pas ?

— Oh, oui ! répondis-je les larmes aux yeux, en me rappelant le prince.

— C’est un homme noble, dit sérieusement Catherine. Mais que puis-je faire avec lui, il est toujours ainsi. Ensuite je t’ai demandé pardon et j’ai failli pleuré, alors pour cela j’ai été de nouveau fâchée contre toi.

— Et moi j’ai vu que tu avais envie de pleurer.

— Eh bien, tais-toi, petite sotte, pleurnicheuse ! s’écria Catherine en me fermant la bouche avec sa main. Ensuite ! Je voulais beaucoup t’aimer et ensuite tout d’un coup te haïr, et je te haïssais, je te haïssais !

— Pourquoi ?

— J’étais fâchée contre toi. Je ne sais pas pourquoi ! Mais ensuite j’ai remarqué que tu ne pouvais pas vivre sans moi, et je pensais : voilà, je la tourmente, la vilaine !

— Ah, Catherine !

— Ma petite âme ! dit Catherine en me baisant la main ; après je ne voulais pas te parler, pas du tout. Et te rappelles-tu comment j’ai caressé Falstaff ?

— Ah ! tu n’as peur de rien.

— Comme je t…r…em…blais, traîna la petite princesse. Sais-tu pourquoi je me suis approchée de lui ?