Page:Dostoievski - Niétotchka Nezvanova.djvu/104

Cette page a été validée par deux contributeurs.

exprès, ajoutai-je, car tout mon courage s’était évanoui devant le regard sévère de la princesse.

— Madame Léotard, punissez-la d’une façon exemplaire, dit la princesse, et elle sortit de la chambre.

Je regardai Catherine. Elle était comme étourdie ; ses bras pendaient, son visage était pâle et incliné.

La seule punition qu’on employait pour les enfants du prince était de les enfermer dans une chambre vide. Rester deux heures dans une chambre vide n’est rien ; mais quand on y met un enfant par force, contre sa volonté, en lui déclarant qu’il est privé de sa liberté, la punition est assez dure.

Ordinairement, on enfermait Catherine ou son frère pendant deux heures. Moi, je fus enfermée pour quatre heures, vu la monstruosité de ma faute.

Toute tremblante de joie, j’entrai dans ma prison. Je pensais à la petite princesse. Je savais que j’avais vaincu. Mais, au lieu de quatre heures, je restai enfermée jusqu’à quatre heures du matin, et voici comment cela arriva.

J’étais enfermée depuis deux heures, quand Mme Léotard fut informée que sa fille venait d’arriver de Moscou, qu’elle était tombée malade subitement et désirait la voir. Mme Léotard partit en m’oubliant. La femme de chambre qui s’occupait de nous supposa probablement que j’étais déjà libre. Catherine, appelée en bas, dut rester chez sa mère jusqu’à onze heures du soir. Quand elle revint, elle fut très étonnée de ne pas me trouver déjà au lit. La femme de chambre la déshabilla et la fit coucher. Mais la petite princesse avait ses raisons pour ne pas s’informer de moi. Elle se coucha et m’attendit, sachant sûrement que j’avais été mise au cachot pour quatre heures et supposant que la nounou me ramènerait. Mais Nastia m’avait complètement oubliée, d’autant que je me déshabillais toujours seule. Je restai ainsi toute la nuit aux arrêts.

Le matin, à quatre heures, j’entendis quelqu’un frapper et forcer la porte de la chambre. J’avais dormi en m’installant tant bien que mal sur le parquet. Je m’éveillai et me mis à crier de peur. Mais aussitôt je distinguai la voix de Catherine qui dominait les autres, puis celle de Mme Léotard, ensuite celle de Nastia et enfin celle de la femme de charge. Bientôt la porte fut ouverte et Mme Léotard m’embrassa les larmes aux yeux, me priant