Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/87

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

devais donner le médicament à ma mère.

Le lendemain, m’étant un peu reposée dans la journée, je repris ma place au chevet de ma mère, fermement décidée, cette fois, à résister au sommeil. À onze heures, Pokrovsky frappa à la porte de notre chambre. J’allai ouvrir. « C’est ennuyeux pour vous de rester là toute seule», me dit-il ; ce voici un livre, prenez-le ; vous vous ennuierez moins. » Je pris le livre. Je ne me rappelle pas ce que c’était ; c’est tout au plus si alors j’y jetai un coup d’œil, et pourtant je ne dormis pas de la nuit. Une étrange agitation intérieure me tenait éveillée ; je ne pouvais rester en place ; plusieurs fois je quittai mon fauteuil et me mis à marcher dans la chambre. Une sorte de bien-être intime s’était répandu dans tout mon être. J’étais si contente d’avoir reçu de Pokrovsky une marque d’attention ! J’étais fière de l’inquiétude et des soucis qu’il manifestait à mon sujet. Je restai toute la nuit pensive et rêveuse. Pokrovsky ne renouvela pas sa visite ; je savais, d’ailleurs, qu’il ne reviendrait plus, et je pensais à la prochaine soirée.

Le lendemain soir, lorsque tout le monde était déjà couché dans la maison, Pokrovsky