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le courage me manqua pour l’accomplir. Je m’imagine quelles sottises j’aurais faites ! Maintenant encore je ne puis me rappeler tout cela sans confusion.

Peu après, ma mère tomba dangereusement malade. Depuis deux jours elle était alitée ; depuis trois nuits elle avait la fièvre et le délire. Je l’avais déjà veillée toute une nuit ; assise à son chevet, je lui présentais à boire et lui donnais les médicaments aux heures fixées. La seconde nuit je me trouvai à bout de forces. De temps à autre le sommeil me gagnait, mes paupières s’appesantissaient, la tête me tournait, et j’étais à chaque instant sur le point de succomber à la fatigue ; mais les faibles gémissements de ma mère me réveillaient, je me secouais, je m’arrachais pour une minute à l’assoupissement, et ensuite, malgré moi, je m’endormais de nouveau. J’étais fort tourmentée. Je ne sais pas, — je ne puis pas me rappeler, — mais un songe terrible, une vision affreuse s’offrit à moi dans un de ces moments pénibles, où ma tête harassée subissait la lutte du sommeil et de la veille. Mon épouvante fut telle que je m’éveillai en sursaut. L’obscurité régnait autour de moi, la veilleuse allait s’étein-