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cessa bientôt de rire. Je crois que mon aspect le frappa. J’ai tellement maigri dans ces derniers temps ; mes joues et mes yeux se sont creusés, j’étais pâle comme un mouchoir... le fait est que celui qui m’a perdue de vue depuis un an doit avoir de la peine à me reconnaître. Il fixa sur moi un regard attentif et prolongé, puis la gaieté lui revint. Il engagea la conversation ; je ne me rappelle pas ce que je lui répondis, il se mit à rire. Sa visite dura une heure entière ; il s’entretint longuement avec moi, m’adressa diverses questions. Enfin, avant de se retirer, il me prit la main et dit (je vous cite mot pour mot ses paroles) : « Varvara Alexéievna ! Entre nous soit dit, Anna Fédorovna, votre parente et mon intime amie, est une ignoble créature. » (Non content de la qualifier ainsi, il lui appliqua une épithète inconvenante.) « Elle a aussi dévoyé votre cousine, et elle vous a perdue. De mon côté, moi aussi, dans cette circonstance, je me suis conduit comme un misérable : mais quoi, cela se voit tous les jours dans la vie ! » Là-dessus, il partit d’un bruyant éclat de rire. Il observa ensuite qu’il n’était pas versé dans l’art de la parole : le principal, ce qu’il fallait dire, ce que