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allés tous ensemble lui porter nos félicitations. Il a été très-touché de notre démarche, il a salué de tous côtés, il a plusieurs fois serré la main à chacun de nous. Il m’a même semblé qu’il avait grandi, qu’il s’était redressé et qu’il n’avait plus la larme à l’œil. Il était si agité, le pauvre homme ! Il ne pouvait pas rester deux minutes en place, il prenait en main tous les objets qui se trouvaient à sa portée, puis il les abandonnait, il ne cessait de sourire et de saluer, il s’asseyait, se levait, se rasseyait, disait Dieu sait quoi : « Mon honneur... l’honneur... la bonne renommée... mes enfants » ; — et comme il disait cela ! Il s’est même mis à pleurer. Nous aussi, pour la plupart, nous pleurions. Ratazaïeff, voulant évidemment le remonter, lui a dit : « Qu’est-ce que l’honneur, batuchka, quand on n’a pas à manger ? L’argent, batuchka, l’argent, c’est le principal, voilà ce dont vous devez remercier Dieu ! » — Et en même temps il lui frappait sur l’épaule. J’ai cru remarquer que Gorchkoff s’en était blessé ; ce n’est pas qu’il ait laissé voir un mécontentement manifeste, mais il a regardé Ratazaïeff d’un air étrange et il a ôté sa main de dessus son épaule. Une chose qu’il n’aurait pas faite auparavant,