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11 août.

Varvara Alexéievna ! Ma chérie, matotchka ! Je suis perdu, nous sommes perdus tous deux, tous deux ensemble, perdus sans retour. C’est fait de ma réputation, de ma dignité, — de tout ! Je suis perdu, et vous aussi, matotchka ; vous et moi, nous sommes perdus irrévocablement ! C’est moi, moi qui vous ai conduite à votre perte ! On me persécute, matotchka, on me méprise, on me raille, et ma logeuse m’adresse de véritables injures. Ce qu’elle a crié, vociféré contre moi aujourd’hui ! Elle me traite avec moins d’égards qu’un petit copeau. Le soir, à la réunion chez Ratazaïeff, quelqu’un a lu tout haut une lettre que je vous ai écrite et dont le brouillon est tombé, par hasard, de ma poche. Matotchka, quelles gorges chaudes ils en ont faites ! Ils nous ont blagués, blagués ; ils ont ri à se tordre, les traîtres ! Je suis allé les trouver et j’ai convaincu Ratazaïeff de perfidie ; je lui ai dit qu’il était un traître ! Ratazaïeff a répliqué que le traître, c’était moi ; que je m’occupais de diverses conquêtes. « Vous vous cachiez de nous, a-t-il dit, vous êtes un Lovelace » ;