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me serais fait scrupule de prolonger ma visite. — « Mais pourquoi vous faut-il de l’argent ? » (Voilà, matotchka, ce qu’il m’a demandé !) J’ouvris la bouche pour ne pas rester là sans rien dire, mais il refusa de m’entendre : « Non, interrompit-il, je n’ai pas d’argent ; si j’en avais, ce serait avec plaisir. » J’insistai de toutes mes forces ; « Voyez-vous, je ne vous demande pas une grosse somme, je vous rembourserai, vous serez payé à l’échéance, et même avant ; prenez tel intérêt qu’il vous plaira ; soyez sûr que je vous payerai... » En ce moment, matotchka, je pensais à vous, je me rappelais tous vos malheurs et tous vos besoins, je songeais à votre demi-rouble. « Qu’est-ce que cela me fait, les intérêts ! reprit Markoff ; voilà, si vous m’apportiez un gage ! Mais, d’ailleurs, je n’ai pas d’argent, je vous le jure devant Dieu ; autrement, ce serait avec plaisir. » Il a encore osé prendre Dieu à témoin, le brigand ! Après cela, ma chère, je ne me rappelle même pas comment je sortis, comment je traversai le quartier de Viborg, comment je parvins au pont de la Résurrection. Terriblement fatigué, transi de froid, je n’arrivai au bureau qu’à dix heures. Comme j’étais couvert de boue,