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c’est donc qu’il ne la méprise pas. Il y a là, mon cher, quelque chose que tu ne comprends pas encore. Qu’un homme s’éprenne du corps d’une femme, même seulement d’une partie de ce corps (un voluptueux me comprendrait tout de suite), il livrera pour elle ses propres enfants, il vendra son père, sa mère et sa patrie ; honnête, il ira voler ; doux, il assassinera ; fidèle, il trahira. Le chantre des pieds féminins, Pouchkine, les a célébrés en vers ; d’autres ne les chantent pas, mais ne peuvent les regarder de sang-froid. Mais il n’y a pas que les pieds… En pareil cas, le mépris est impuissant. Ton frère méprise Grouchegnka, mais il ne peut s’en détacher.

— Je comprends cela, lança soudain Aliocha.

— Vraiment ? Et pour l’avouer dès le premier mot, il faut absolument que tu le comprennes, déclara Rakitine avec une joie mauvaise. Cela t’a échappé par hasard, l’aveu n’en est que plus précieux. Par conséquent, la sensualité est pour toi un sujet connu, tu y as déjà songé ! Ah ! la sainte nitouche ! Tu es un saint, Aliocha, j’en conviens, mais tu es aussi une sainte nitouche, et le diable sait ce à quoi tu n’as pas déjà songé, le diable sait ce que tu connais déjà ! Tu es vierge, mais tu as déjà pénétré bien des choses. Il y a longtemps que je t’observe : tu es un Karamazov, tu l’es tout à fait ; donc, la race et la sélection signifient quelque chose. Tu es sensuel par ton père et « innocent » par ta mère. Pourquoi trembles-tu ? Aurais-je raison ? Sais-tu que Grouchegnka m’a dit : « Amène-le (c’est-à-dire toi), je lui arracherai son froc. » Et comme elle insistait, je me suis demandé pourquoi elle était si curieuse de toi. Sais-tu que c’est aussi une femme extraordinaire ?

— Tu lui diras que je n’irai pas, jure-le-moi, dit Aliocha avec un sourire contraint. Achève ton propos, Micha, je te dirai ensuite mon idée.

— À quoi bon achever, c’est bien clair ! Vieille chanson que tout cela, mon cher ; si tu as un tempérament sensuel, que sera-ce de ton frère Ivan, fils de la même mère ? Car lui aussi est un Karamazov. Or, tous les Karamazov sont de nature sensuels, âpres au gain et déments ! Ton frère Ivan s’amuse maintenant à écrire des articles de théologie, calcul stupide, puisqu’il est athée, et il avoue cette bassesse. En outre, il est en train de conquérir la fiancée de son frère Mitia et paraît près du but. Comment cela ? Avec le consentement de Mitia lui-même, parce que celui-ci lui cède sa fiancée à seule fin de se débarrasser d’elle pour rejoindre Grouchegnka. Et tout cela,