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rage, Dmitri leva la main et frappa Grigori de toute sa force. Le vieillard s’affaissa comme fauché, et Dmitri, enjambant son corps, força la porte. Smerdiakov, pâle et tremblant, était resté à l’autre bout de la table, serré contre Fiodor Pavlovitch.

« Elle est ici, cria Dmitri, je viens de la voir se diriger vers la maison, mais je n’ai pu la rejoindre. Où est-elle ? Où est-elle ? »

Ce cri, « Elle est ici » fit une impression inexplicable sur Fiodor Pavlovitch, toute sa frayeur disparut.

« Arrêtez-le, arrêtez-le ! » glapit-il en se précipitant à la suite de Dmitri.

Cependant Grigori s’était relevé, mais restait encore abasourdi. Ivan et Aliocha coururent pour rattraper leur père. On entendit dans la chambre voisine le fracas d’un objet brisé en tombant. C’était un grand vase de peu de valeur, placé sur un piédestal en marbre que Dmitri avait heurté en passant.

« Au secours ! » hurla le vieux.

Ivan et Aliocha le rejoignirent et le ramenèrent de force dans la salle à manger.

« Pourquoi le poursuivez-vous ? Il serait capable de vous tuer, s’écria Ivan avec colère.

— Ivan, Aliocha ! Grouchegnka est ici, il dit qu’il l’a vue entrer. »

Fiodor Pavlovitch perdait l’haleine. Pour cette fois il n’attendait pas Grouchegnka, et la nouvelle imprévue de sa présence troublait sa raison. Il était tout tremblant, il avait comme perdu l’esprit.

« Vous avez vu vous-même qu’elle n’est pas venue, cria Ivan.

— Mais peut-être par l’autre entrée ?

— Elle est fermée, cette entrée, et vous en avez la clef… »

Dmitri reparut dans la salle à manger. Naturellement, il avait trouvé, lui aussi, l’autre entrée fermée, et c’était bien Fiodor Pavlovitch qui en avait la clef dans sa poche. Toutes les fenêtres étaient également closes ; Grouchegnka n’avait donc pu ni entrer ni sortir par aucune issue.

« Arrêtez-le, hurla Fiodor Pavlovitch dès qu’il aperçut Dmitri, il a volé de l’argent dans ma chambre à coucher ! »

En s’arrachant des bras d’Ivan, il s’élança de nouveau sur Dmitri. Celui-ci leva les mains, saisit le vieillard par les deux seules touffes de cheveux qui lui restaient aux tempes, le fit pirouetter, le jeta violemment sur le plancher et lui donna encore deux ou trois coups de talon au visage. Le vieillard