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et à toutes les exigences. Moi, par exemple, je triomphe sur tout le monde ; tous sont réduits en poussière, et doivent volontairement avouer mes perfections, et je pardonne à tout le monde. Je deviens amoureux, étant poète distingué et gentilhomme de la Chambre ; j’obtiens des millions innombrables et aussitôt j’en fais le sacrifice à l’humanité, et je fais une confession publique de toutes mes hontes, qui certainement ne sont pas simplement des hontes, mais renferment beaucoup « de beau et d’élevé », dans le genre de Manfred. Tous pleurent et m’embrassent (autrement ils seraient de fameux imbéciles) et moi je vais nu-pieds et affamé prêcher de nouvelles idées, et je bats les rétrogrades à Austerlitz. Ensuite, on joue une marche, on proclame l’amnistie, le pape veut bien quitter Rome et aller au Brésil. Puis on donne un bal pour toute l’Italie dans la villa Borghèse, qui est au bord du lac de Côme, car le lac de Côme se transporte exprès à Rome pour cette occasion ; ensuite, la scène dans les buissons, etc., etc… Ne le savez-vous pas ? Vous direz qu’il est trivial et lâche de mettre tout cela en évidence après tant de ravissements et tant de larmes, que je vous ai avoués moi-même. Mais pourquoi serait-ce lâche ? Croyez-vous donc que j’aie honte de tout cela, et que tout cela soit plus sot que n’importe quoi de votre vie, Messieurs ? Et d’ailleurs, croyez-le bien, il y avait certaines choses qui étaient fort bien ar-