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obtenir mon emploi. Je souffrais horriblement. Il me semblait honteux et monstrueux de demander de l’argent à Anton Antonitch. Je ne dormis pas deux ou trois nuits ; en général, je dormais peu alors ; j’avais la fièvre ; mon cœur se mourait d’inquiétude, ou bien se mettait à sauter, à sauter, à sauter… Anton Antonitch parut d’abord étonné, puis il fronça les sourcils, ensuite il réfléchit et me prêta la somme, pour laquelle je lui signai un reçu lui donnant le droit de reprendre l’argent prêté sur mon traitement, au bout de quinze jours. De cette façon, tout fut enfin prêt ; un beau castor s’étalait à la place de la vilaine genette, et je me mettais à l’œuvre peu à peu. Il eût été impossible de me décider dès la première fois, de but en blanc ; il fallait arranger cette affaire à bon escient et surtout petit à petit. Mais, je l’avoue, après de multiples essais, je commençais à désespérer : impossible de nous heurter et voilà tout ! J’avais eu beau me préparer, j’avais eu beau faire des projets, il semblait que nous allions nous heurter à l’instant, et puis, je lui laissais encore le chemin, et il passait sans me remarquer. Je récitais même des prières en m’approchant de lui, afin que Dieu me donnât de l’audace. Un jour, j’étais presque tout à fait décidé, mais il arriva que je me trouvai sous ses pieds, car au dernier moment, à la distance de deux pouces, le courage me manqua. Il passa sur moi très tranquillement, et moi, je bondis de côté comme