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Cependant, pas un de ces messieurs n’en était gêné, — ni à propos du vêtement, ni à propos du visage, ni moralement d’une façon quelconque. Ni l’un ni l’autre ne se figuraient qu’on pût les regarder avec dégoût. Du reste, s’ils se l’étaient figuré, cela leur eût été encore indifférent, pourvu qu’il ne se fût pas agi de quelqu’un de l’administration. A présent, je me rends parfaitement compte que à cause de ma vanité sans borne, qui me rendait très exigeant envers moi-même, je me suis souvent regardé avec un mécontentement rageur, poussé au dégoût, et, dans ma pensée, j’attribuais ma façon de voir à chacun. Moi, par exemple, je détestais mon visage, je le trouvais abominable, et j’y découvrais même certaine expression de lâcheté ; en conséquence, chaque fois que je me rendais au bureau, je me torturais afin de me tenir de la façon la plus indépendante, afin de ne pas être soupçonné de bassesse et pour que mon visage exprimât autant de noblesse que possible. « Tant pis que mon visage soit laid, pensais-je, pourvu qu’en revanche il ait une expression généreuse, qu’il soit expressif et paraisse excessivement intelligent. » Mais j’étais absolument et péniblement persuadé que mon visage ne saurait exprimer toutes ces perfections. Ce qui était encore plus affreux, c’est que je le trouvais positivement bête. Je me serais cependant contenté d’intelligence. Même à ce point que je me serais