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DEUXIEME PARTIE

A PROPOS DE LA NEIGE FONDUE


I

A cette époque j’avais au plus 24 ans. Ma vie était déjà sombre, désordonnée et isolée, jusqu’à la sauvagerie. Je ne voyais personne, j’évitais même de causer et je m’enfonçais de plus en plus dans mon coin. Dans le bureau, au ministère, je tâchais même de ne voir personne et je remarquais parfaitement que mes collègues, non seulement me considéraient comme un original, mais encore, me semblait-il. me regardaient avec dégoût. Et il me venait en tête : pourquoi n’y a-t-il que moi que Ton regarde avec dégoût ? Un de nos collègues du bureau avait un visage répugnant, grêlé, et avec cela l’air d’un brigand. Il me semble que je n’aurais pu regarder personne si j’avais eu un visage aussi affreux. Un autre avait son uniforme de petite tenue tellement usé qu’il en sentait mauvais.