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Mais voici ce qui est remarquable : d’où vient que tous ces statisticiens, tous ces sages et tous ces philanthropes, quand ils ont énuméré les intérêts humains, ont constamment omis d’en mentionner un ? De celui-là, ils ne tiennent aucun compte au point de vue dont il faut le considérer, et tout le calcul en dépend. Qu’on inscrive cet avantage sur la liste, cela n’aura aucune importance. Mais le malheur est que ce fameux intérêt ne rentrera dans aucune classification et ne pourra être porté sur aucune liste. Ainsi, j’ai un ami… Hé ! messieurs, mais c’est aussi votre ami, et, d’ailleurs, avec qui n’est-il pas lié ?..) Se prépare-t-il à un acte quelconque, ce monsieur vous exposera clairement et d’abondance comment il se propose d’agir selon les lois delà raison et de la vérité. Et puis, il vous parlera avec une chaleureuse émotion des intérêts véritables, normaux de l’homme : il raillera ces sots à vue courte qui ne comprennent ni leur avantage, ni le véritable sens de la vertu… Un quart d’heure après, exactement, sans aucun nouveau motif, mais par quelque mobile intérieur plus fort que ses intérêts. il imaginera je ne sais quoi de différent, c’est-à-dire qu’il ira ouvertement contre tout ce qu’il avait dit, contre les lois de la raison, contre son propre avantage, en un mot : contre tout bon sens… Je vous préviens que mon ami est un personnage collectif et qu’il est par conséquent fort difficile de rejeter toute la faute sur lui.