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inquiétante. Quand Sémione Ivanovitch sut cela, il se leva lentement, chercha avec précaution son chemin parmi les tables et les chaises, prit son pardessus et disparut pour un certain temps. Avait-il eu peur ? quelque autre raison l’avait-elle dirigé ? nous ne savons, mais le fait est qu’on ne put le trouver de quelque temps ni chez lui, ni à son bureau.

Nous ne chercherons pas à expliquer les actions de Sémione Ivanovitch par le dérangement de son esprit. Nous ferons seulement remarquer que notre héros n’était point un homme du monde, que timide, il avait vécu jusque-là dans une solitude presque complète, se signalant par un caractère aussi mystérieux que taciturne. Ainsi, pendant tout son séjour à Pieski, il était resté étendu sur son lit derrière le paravent, dans un silence absolu et sans l’ombre de relations. Mystérieux comme lui, ses deux colocataires d’alors menaient exactement la même vie et ce trio avait passé quelque quinze ans à gésir chacun derrière son paravent. Dans un silence auguste, les heures et les jours s’étaient écoulés heureux et torpides et tout alors allait si bien que ni Sémione Ivanovitch. ni Oustinia Féodorovna ne se rappelaient plus par quel hasard ils s’étaient rencontrés. « Il y a peut-être dix ans, peut-être quinze, peut-être vingt-cinq ans qu’il vit chez moi », disait la femme. On jugera donc fort naturel que notre héros se soit trouvé quelque peu troublé et