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et craintif ; il commença de tressaillir et. à chaque nouveau canard, de prêter une oreille attentive et fiévreuse. Pour comble de changement, est-ce qu’il ne devint pas un passionné chercheur de vérité ? Cette manie prit de telles proportions qu’il osa enfin s’informer à deux reprises de l’exactitude des fameuses nouvelles auprès de Démide Yassiliévitch lui-même et, si nous passons sous silence les suites de ces démarches de Sémione Ivanovitch, c’est par pur respect pour sa mémoire.

On en conclut d’abord que c’était une sorte de misanthrope négligent des convenances mondaines ; on le trouva fantasque et l’on ne se trompa pas, car il fut surpris maintes fois à s’oublier par moments, restant là, bouche bée, la plume en l’air, comme pétrifié, plus semblable à l’ombre d’un être intelligent qu’à cet individu lui-même. Et il advint plus d’une fois qu’à l’aspect inattendu de cet œil terne et hasard, tel collègue distrait se mît à trembler au point de laisser choir un pâté sur son rapport ou d’y écrire quelque vocable déplacé. L’indécence d’une pareille conduite offusquait toute personne convenable, si bien qu’on finit par n’avoir plus de doute sur le désordre mental de Sémione Ivanovitch. Un jour même, le bruit se répandit par la chancellerie que M. Prokhartchine avait fait peur à Démide Yassiliévitch lui-même qui n’avait pu que reculer lorsque, dans un couloir, il s’était trouvé face à face avec ce personnage d’attitude