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ceux-ci payaient deux fois plus cher que Sémione Ivanovitch. Ces êtres turbulents, ces « mauvais blagueurs » s’étaient ruinés dans l’esprit de la logeuse en raillant leur misérable colocataire sur son infime situation. Sans leur ponctualité à payer leurs loyers, elle n’eût jamais consenti, je ne dis pas à les héberger, mais seulement à les voir.

Sémione Ivanovitch avait été promu favori d’Oustinia Féodorovna du jour qu’on avait conduit au cimetière de Volkovo certain cadavre qui, de son vivant, avait trop aimé les liqueurs. Retraité du service civil — pour ne pas dire chassé, ce personnage, en dépit de son œil crevé et de sa jambe manquante — perdus, à ce qu’il disait, « dans un accident de bravoure » — ce personnage n’en avait pas moins su gagner toutes les faveurs dont Oustinia Féodorovna pouvait être la dispensatrice et sans doute eût-il encore longtemps vécu en pique-assiette s’il ne fût subitement mort en ivrogne fieffé à la suite de libations immodérées. Cela se passait à Pieski alors qu’Oustinia Féodorovna n’avait que trois locataires, sur lesquels, après transfert et extension de l’établissement, il ne lui resta plus que le seul M. Prokhartchine.

Faut-il en incriminer les incontestables défauts de M. Prokhartchine ou ceux de ses nouveaux commensaux ? mais, dès le début, les relations ne semblaient pas de ces plus excellentes. Il faut qu’on sache que les nouveaux pensionnaires d’Oustinia