Page:Dostoïevski - Le Sous-sol, 1909.djvu/251

Cette page n’a pas encore été corrigée

Il m’en vaudra dix mille et jusqu’à cent mille !

Ivan Matveïtch en riait de plaisir. Je pris mon courage à deux mains. Avec le calme et la raison de l’homme qui remplit son devoir d’ami, je représentai à ce fol Allemand toute la fausseté de ses calculs. Pour peu qu’il ramassât cent mille thalers par jour, il ne lui faudrait pas quatre jours pour que Pétersbourg entier eut défilé dans son établissement. Après cela, ce serait fini ; on ne sait ni qui vit, ni qui meurt ; le crocodile pouvait éclater, Ivan Matveïtch tomber malade et trépasser, etc., etc. Il réfléchit, puis il me répondit :

— Je demanderai des gouttes au pharmacien et votre ami ne mourra pas.

— Les gouttes, fis-je. c’est très bien. Mais songez qu’un procès peut s’engager. Et que l’épouse d’Ivan Matveïtch s’avise de réclamer son époux légitime ? Vous désirez vous enrichir, mais êtes-vous disposé à faire une pension à Elena Ivanovna ?

— Telle n’est pas mon intention ! me répondit-il d’une voix grave et résolue.

— Non, nous n’avons point cette intention ! ajouta la mère avec colère.

— Voyons, est-ce que vous ne feriez pas mieux d’accepter dès maintenant une somme raisonnable et qui constituerait une certitude, au lieu d’escompter un bénéfice aléatoire. Je tiens d’ailleurs à vous faire remarquer que je ne vous fais cette question que par pure curiosité.