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— Le vieux a raison, conclut Ivan Matveïtch avec cette brusquerie dont il usait toujours vis-à-vis de moi. J’aime les gens pratiques et ne puis supporter les faibles. Cependant, je reconnais volontiers que ton idée de mission n’est pas aussi absurde qu’elle le parait. En effet, je puis faire ici des observations fort intéressantes tant au point de vue scientifique qu’au point de vue moral… Mais cette affaire prend une tournure très inattendue et ce n’est plus uniquement des appointements qu’il faut se préoccuper. Écoute-moi avec attention. Es-tu assis ?

— Non. je reste debout.

— Assieds-toi n’importe où. fût-ce sur le plancher et écoute-moi attentivement.

Plein de colère, je saisis une chaise et l’appliquai sur le parquet avec fracas.

— Écoute, reprit-il, en continuant à faire le chef, il est venu un monde fou. aujourd’hui. A huit heures, c’est-à-dire plus tôt que de coutume, le patron a estimé la fermeture nécessaire, pour pouvoir compter sa recette et prendre ses mesures pour demain, car on peut prévoir que, demain, ce sera ici une vraie foire. Il est à supposer que les hommes les plus savants, les femmes du monde, les ambassadeurs, les avocats, etc., vont venir. Et ce n’est pas tout. Voici que les habitants des diverses provinces de notre vaste et si intéressant empire commencent un exode vers la capitale. Quoique caché,