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— Je ne vendrai pas mon crocodile ; je ne le vendrais pas pour trois mille roubles. Il m’en faudrait au bas mot quatre mille. Le public va affluer, maintenant. Il faudra me le payer cinq mille roubles.

En un mot. il s’en donnait à cœur joie. La cupidité et la plus sordide avarice se lisaient sur son visage.

— Assez ! je m’en vais ! m’écriai-je, indigné.

— Moi aussi, moi aussi ! pleurnichait Elena Ivanovna. J’irai trouver André Ossipitch lui-même et je le fléchirai par mes larmes !

— Non ! pas cela, chère amie ! interrompit vivement Ivan Matveïth qui, depuis longtemps, était fort jaloux de ce monsieur. Il savait que sa femme n’était que trop portée à aller pleurer devant un homme cultivé, car les larmes lui seyaient si bien ! Puis, s’adressant à moi, il poursuivit : — Je ne te le conseille pas non plus. On ne sait trop ce qu’il pourrait résulter d’une telle démarche. Mais passe aujourd’hui même chez Timotheï Semionitch ; c’est un homme de mœurs surannées, assez bête et, ce qui est plus important, des plus loyaux. Donne-lui le bonjour de ma part et raconte-lui cet accident dans tous ses détails. En même temps, remets-lui sept roubles que je perdis contre lui la dernière fois que nous jouâmes ensemble ; cela ne pourra qu’impressionner favorablement ce vieillard. Or. il peut nous être de très bon conseil. En attendant,