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« Pourquoi es-tu là, pourquoi ne t’en vas-tu pas ! » qu’elle fit attention, mais à ce que, probablement, j’avais eu beaucoup de mal à les prononcer. Et puis elle était tellement humiliée, la pauvre ; elle se regardait comme infiniment au-dessous de moi : aurait-elle pu se fâcher, s’offenser ? Elle se précipita soudain de sa chaise dans un élan irrésistible, et emportée vers moi, mais toujours timide et sans oser bouger, elle me tendit les mains… Mon cœur s’attendrit ici. Elle se jeta alors vers moi, entoura mon cou de ses bras et fondit en larmes. Je ne pus me retenir non plus et je sanglotai, comme je ne l’avais jamais fait…

— On ne me laisse pas… Je ne puis être… bon ! prononçai-je avec peine.

Ensuite j’allai au canapé, je m’y laissai tomber, la face cachée, et pendant un quart d’heure je sanglotai dans une véritable crise de nerfs. Elle se serra contre moi, m’entoura de ses bras, semblant défaillir dans cet embrassement.

Mais il s’agissait aussi de mettre un terme à mon attaque de nerfs. Et voilà (j’écris la vérité, toute méprisable qu’elle soit), la face appuyée fortement contre le canapé, mon visage enfoui dans mon coussin de cuir avachi, je commençais à sentir peu à peu, de loin, involontairement, mais irrésistiblement, que maintenant je n’oserais lever la tête et regarder Lisa en face. De quoi avais-je honte ? Je n’en sais rien, mais j’étais honteux. Était-il venu à