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dignité offensée, je tremblai de colère et j’éclatai aussitôt.

— Pourquoi es-tu venue chez moi. dis-le-moi s’il te plaît ? commençai-je, haletant et sans égard pour l’ordre logique de mes paroles. Je voulais tout dire à la fois, en un coup : je ne me souciais pas par où commencer.

— Pourquoi es-tu venue ? Réponds ! Réponds ! criai-je. hors de moi. Je vais te le dire, ma chère, pourquoi tu es venue. Tu es venue, parce que je t’ai dit des paroles attendrissantes. Tu t’es laissé toucher et tu as voulu encore des paroles attendrissantes. Alors, apprends-le, apprends que je me suis moqué de toi alors. Et je me moque de toi encore. Pourquoi trembles-tu ? Oui. je me suis moqué ! On m’avait insulté avant, à table, ceux-là qui étaient arrivés avant moi. J’étais venu chez vous pour en rosser un, l’officier ; mais je ne réussis pas aie faire, je ne le trouvai pas. Il fallait bien me venger sur quelqu’un, me rattraper, tu t’es trouvée là, j’ai déchargé ma colère sur toi et je me suis moqué. On m’a humilié, moi aussi j’ai voulu humilier ; on m’a traité comme une chiffe, j’ai voulu montrer ma puissance… Voilà ce qui s’est passé, et toi tu t’es imaginé que j’étais venu exprès pour te sauver, n’est-ce pas ? Tu le croyais ? Tu le croyais ?

Je savais qu’elle s’embrouillerait peut-être et ne comprendrait pas les détails, mais je savais aussi qu’elle comprendrait parfaitement le fond. C’est ce