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ble contre elle bouillonna soudain dans mon cœur ; j’aurais été prêt à la tuer, il me semble. Pour me venger d’elle, je fis le serment dans ma pensée de ne pas lui dire un seul mot. « C’est elle qui est cause de tout », pensai-je.

Notre silence durait déjà depuis cinq minutes. Le thé se trouvait sur la table ; nous n’y touchions pas. J’étais parvenu enfin à décider de ne pas le prendre pour l’embarrasser davantage ; elle ne pouvait convenablement commencer la première. Elle me regarda plusieurs fois avec une triste hésitation. Je gardais un silence obstiné. J’étais certainement le principal martyr, parce que je m’avouais parfaitement la vilaine bassesse de ma malicieuse sottise, et en même temps je ne pouvais m’en empêcher.

— Je veux sortir… de là-bas, commença-t-elle, pour rompre par quelque chose le silence.

Mais, la malheureuse ! Il ne fallait justement pas parler dans un moment aussi stupide et à un homme aussi stupide que moi. Mon propre cœur se serra de pitié à sa franchise si inutile et a sa maladresse. Mais aussitôt quelque chose de monstrueux anéantit toute cette pitié ; cela m’excita même davantage ; tant pis, périsse tout au monde. Cinq minutes se passèrent encore.

— Je ne vous ai pas dérangé ? commença-t-elle timidement, d’une voix à peine perceptible, et elle voulut se lever.

Mais aussitôt que je vis ce premier éclat d’une