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— Tu ne sais pas, Lisa, quel bourreau il est pour moi ! G est mon bourreau… Il est allé maintenant chercher des biscuits ; il…

Et soudain je fondis en larmes. C’était une crise. Comme j’avais honte de mes sanglots ! mais je ne pouvais plus les retenir.

Elle s’effraya.

— Qu’avez-vous ! Que se passe-t-il ! s’écria-t-elle en s’occupant de moi.

— De l'eau, donne-moi de l’eau, là-bas ! murmurai-je d’une voix faible, ayant très bien conscience que je pouvais facilement me passer d’eau et ne pas murmurer d’une voix faible. Mais je jouais ce qui s’appelle la comédie, pour sauver les apparences, malgré que la crise fût bien réelle.

Elle me servit de l’eau, me regardant tout éperdue. A cet instant, Apollon apporta le thé. Il me parut tout d’un coup que ce thé ordinaire et prosaïque était affreusement inconvenant et misérable après tout ce qui s’était passé ; et je rougis. Lisa regardait Apollon même avec frayeur. Il sortit, sans faire attention à nous.

— Lisa, me méprises-tu ? dis-je, en la regardant fixement, tremblant d’impatience d’apprendre ce qu’elle pensait.

Elle s’intimida et ne sut rien répondre.

— Prends ton thé ! prononçai-je en colère.

J’étais en colère contre moi-même, mais certainement elle y avait aussi sa part. Une colère terri-