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attente naïve me mit en fureur, mais je me contins.

Il aurait fallu tâcher de ne rien remarquer, comme si tout était très naturel, mais elle… Et je sentis vaguement, que pour tout cela elle me payerait cher.

— Tu m’as trouvé dans une situation bizarre, Lisa, commençai-je, bégayant et sachant très bien que c’était précisément comme cela qu’il ne fallait pas commencer.

— Non, non, ne t’imagine rien ! m’écriai-je, la voyant soudain rougir ; je n’ai pas honte de ma pauvreté… Au contraire, je la regarde avec orgueil. Je suis pauvre, mais généreux… On peut être pauvre et généreux, murmurai-je. D’ailleurs… veux-tu du thé ?

— Non… voulut-elle commencer.

— Attends un instant !

Je m’élançai et courus vers Apollon. Il fallait bien se fourrer quelque part.

— Apollon, chuchotai-je, parlant avec une rapidité fiévreuse, et jetant devant lui les sept roubles que j’avais gardés tout le temps dans mon poing fermé, voilà tes gages, vois-tu, je te les donne ; mais en revanche tu dois me sauver : va me chercher aussitôt chez le traiteur du thé et dix biscuits. Si tu ne veux pas y aller, tu feras un malheureux ! Tu ne sais quelle est cette femme… C’est tout ! Tu penses peut-être quelque chose… Mais tu ne sais pas quelle femme elle est !…