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Mais j’avais déjà compris : quelque chose de nouveau tremblait dans sa voix, quelque chose qui n’était ni brusque, ni grossier, ni rétif, mais quelque chose de doux et de timide, tellement timide, que devant elle je m’intimidai moi-même, comme si j’étais en faute.

— Quoi donc ? demandai-je avec une tendre curiosité.

— Mais vous…

— Quoi ?

— Comment faites-vous… on dirait que vous lisez un livre, dit-elle, et quelque chose de railleur résonna de nouveau dans sa voix.

Cette remarque me fit mal. J’attendais autre chose.

Je ne compris pas que, de cette raillerie, elle se couvrait comme d’un masque ; que c’est la ressource habituelle de ceux qui sont timides et chastes de cœur, lorsqu’on cherche brutalement et malgré eux à pénétrer dans le fond de leur âme, de ceux qui ne se rendent qu’au dernier moment, par fierté, et craignent de vous exprimer ce qu’ils ressentent. La timidité même avec laquelle elle s’était essayée, à plusieurs reprises, à exprimer sa raillerie, aurait dû me le faire deviner. Mais je ne devinai pas, et un mauvais sentiment s’empara de moi.

« Attends un peu ! » pensai-je.