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Je les toisai de mes yeux ivres. Mais ils paraissaient m’avoir oublié complètement. Entre eux ils étaient bruyants, criards, gais. Zverkov parlait tout le temps. J’écoutais. Zverkov racontait qu’il avait amené jusqu’à l’aveu une dame superbe (il mentait certainement) et que dans cette affaire il avait été aidé particulièrement par son ami intime, un certain prince, le hussard Nicolas, qui possédait trois mille âmes.

— Et cependant ce Nicolas, qui a trois mille âmes, n’est pas ici pour vous faire ses adieux, dis-je, prenant part à la conversation.

Tousse turent un instant.

— Vous voilà déjà ivre, dit Troudolubov, daignant enfin m’apercevoir, et louchant de mon côté avec mépris.

Zverkov m’examinait en silence comme un insecte. Je baissai les yeux. Simonov se hâta de servir le champagne.

Troudolubov leva sa coupe, tous suivirent son exemple, excepté moi.

— A ta santé et bon voyage ! cria-t-il à Zverkov : A l’ancien temps, messieurs, à notre avenir, hourra !

Tous burent et allèrent embrasser Zverkov. Je ne bougeai pas ; ma coupe pleine était devant moi.

— Est-ce que vous n’allez pas boire ? rugit Troudolubov, qui avait perdu patience, en s’adressant à moi d’un air menaçant.