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séance sur tous. Un rire d’approbation éclata ; Ferfitchkine en criait.

Tous m’abandonnèrent et je restai écrasé et anéanti.

« Seigneur, est-ce une société pour moi ! pensai-je. Quel imbécile ai-je été devant eux ! Cependant, j’ai laissé Ferfitehkine prendre trop de liberté. Ces imbéciles croient m’avoir fait honneur en m’accordant une place à leur table, mais ils ne comprennent pas que c’est moi qui leur fais l’honneur… « Il a maigri ! Le costume ! » Oh ! maudit pantalon ! Tout à l’heure déjà Zverkov a remarqué la tache jaune sur le genou… Mais à quoi bon ! Tout de suite, à l’instant, me lever de table, prendre mon chapeau et m’en aller tout simplement sans, rien dire… Par mépris ! Demain, je me battrai s’ils le veulent. Les lâches ! Je ne vais pas plaindre mes sept roubles. Ils croiraient peut-être… Le diable m’emporte ! Je ne regrette pas mes sept roubles ! Je m’en vais à l’instant !… »

Bien entendu, je restai.

De chagrin, je buvais le xérès et le Château-Lafitte à plein verre. N’en ayant pas l’habitude, je me grisais rapidement, et ma colère grandissait avec l’ivresse. J’eus soudain envie de les insulter de la façon la plus insolente et de sortir aussitôt. Saisir le moment et me montrer ; qu’ils puissent dire : il est ridicule, mais intelligent… et… et… en un mot, que le diable les emporte !