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vraiment ? Demain même j’écrirai à Simonov… »

Mais ce qui précisément me mettait en rage, c’était la certitude où j’étais que j’irais ; que j’irais exprès et d’autant plus sûrement qu’il serait moins convenable et moins délicat d’y aller.

Et il y avait même un obstacle absolu à ce que j’y allasse : je n’avais pas d’argent. J’avais en tout neuf roubles. Mais je devais en donner sept à Apollon, mon domestique, qui recevait sept roubles par mois et se nourrissait.

Il était impossible de ne pas les lui donner, vu le caractère d’Apollon. Mais je parlerai un jour de cette canaille, de cette peste.

D’ailleurs, je savais que je ne les donnerais pas, que j’irais certainement.

Cette nuit, je fis des rêves abominables. Cela n est pas étonnant : les souvenirs de la vie de galère que je menais à l’école m’oppressaient ; et je ne pouvais m’en détacher. Des parents éloignés, dont je dépendais et dont je n’avais aucune idée depuis, m’avaient fourré dans cette école. — ils m’y avaient fourré orphelin, hébété par leurs reproches, déjà pensif, silencieux et regardant tout d’un air sauvage. Les camarades m’accueillirent avec des railleries méchantes et impitoyables, parce que je ne ressemblais à personne d’entre eux.

Mais je ne pus supporter les railleries : je ne pouvais m’accommoder à si bon compte, comme eux s’accommodaient ensemble. Je les détestai aus-