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avec mépris. A la fin de nos études, il fit presque une tentative de réconciliation ; je ne m’y opposai pas trop, car cela me flattait : mais nous nous éloignâmes bientôt 1’un de l’autre, très naturellement. Ensuite j’entendis parler de ses succès de lieutenant, de la noce qu’il faisait, puis de son avancement. Il ne me saluait plus dans la rue et je soupçonnais qu’il avait peur de se compromettre en saluant une personne aussi infime que moi. Je ne le vis qu’une fois, au théâtre, dans une loge de troisième, portant les aiguillettes. Il faisait la cour aux filles d’un vieux général et s’empressait autour d’elles. En trois ans, il avait beaucoup baissé, malgré qu’il fût assez beau et adroit comme autrefois. Il était bouffi, il commençait à grossir ; on pouvait prévoir que vers la trentaine il serait complètement avachi. C’est à ce Zverkov-là, qui allait partir, que nos camarades voulaient offrir un dîner. Pendant ces trois ans, ils lui avaient toujours tenu compagnie, malgré que, dans leur for intérieur, ils ne devaient pas se croire ses égaux, j’en suis certain.

Des deux convives de Simonov, l’un était Ferfitchkine, un Allemand russe, — de petite taille, à figure de singe, un sot qui ridiculisait tout, mon ennemi le plus acharné depuis les petites classes, — lâche, insolent petit fanfaron et qui jouait à la susceptibilité, mais, bien entendu, poltron au fond. Il était un des admirateurs de Zverkov, qui faisaient les enjoués avec lui, par intérêt, et lui empruntaient