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quer ici ? L’affaire est claire. Du moins, la route est clairement indiquée à l’instruction, et indiquée précisément par l’écrin. Le vrai coupable a laissé tomber ces boucles d’oreilles. Il était en haut quand Koch et Pestriakoff ont cogné à la porte ; il s’était enfermé au verrou. Koch a fait la bêtise de descendre ; alors l’assassin s’est esquivé de l’appartement et est descendu, lui aussi, attendu qu’il n’avait pas d’autre moyen de s’échapper. Sur l’escalier, il s’est dérobé à la vue de Koch, de Pestriakoff et du dvornik, en se réfugiant dans le logement du second étage juste au moment où les ouvriers venaient d’en sortir.

Il s’est caché derrière la porte pendant que le dvornik et les autres montaient chez la vieille, il a attendu que le bruit de leurs pas cessât de se faire entendre, et il est arrivé fort tranquillement au bas de l’escalier, à l’instant même où Dmitri et Nicolas à sa suite s’élançaient dans la rue. Comme tout le monde s’était dispersé, il n’a rencontré personne sous la porte cochère. Il se peut même qu’on l’ait vu, mais on ne l’a pas remarqué : est-ce qu’on fait attention à toutes les personnes qui entrent dans une maison ou qui en sortent ? Quant à l’écrin, il l’a laissé tomber de sa poche pendant qu’il se tenait derrière la porte, et il ne s’en est pas aperçu, parce qu’il avait alors d’autres chats à fouetter. L’écrin démontre donc clairement que le meurtrier s’est caché dans le logement vide du second étage. Voilà tout le mystère expliqué !

— C’est ingénieux, mon ami ! Cela fait honneur à ton imagination. C’est surtout ingénieux.

— Mais pourquoi donc ? Pourquoi ?

— Parce que tous les détails sont trop bien agencés, toutes les circonstances se présentent avec trop d’à-propos… C’est exactement comme au théâtre.

Razoumikhine allait de nouveau protester, mais soudain la porte s’ouvrit, et les trois jeunes gens virent apparaître un visiteur qu’aucun d’eux ne connaissait.