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LE CRIME ET LE CHÂTIMENT.

tête et un frisson léger, agréable même, parcourut son dos. Il se coucha et tira la couverture sur lui. Ses idées, déjà auparavant maladives et incohérentes, commencèrent à s’embrouiller de plus en plus. Bientôt ses paupières devinrent lourdes. Il posa voluptueusement sa tête sur l’oreiller, s’enveloppa plus étroitement dans la molle couverture ouatée qui avait remplacé son méchant manteau et s’endormit d’un profond sommeil.

En entendant un bruit de pas, il se réveilla et aperçut Razoumikhine qui venait d’ouvrir la porte, mais hésitait à pénétrer dans la chambre et restait debout sur le seuil. Raskolnikoff se souleva vivement et regarda son ami de l’air d’un homme qui cherche à se rappeler quelque chose.

— Puisque tu ne dors plus, me voilà ! Nastasia, monte ici le paquet, cria Razoumikhine à la servante qui se trouvait en bas. — Je vais te rendre mes comptes…

— Quelle heure est-il ? demanda le malade en promenant autour de lui un regard effaré.

— Tu t’en es donné, mon ami ; le jour baisse, il va être six heures. Ton sommeil a duré plus de six heures.

— Seigneur ! Comment ai-je pu dormir si longtemps !

— De quoi te plains-tu ? Cela te fait du bien ! Quelle affaire pressante avais-tu donc ? Un rendez-vous peut-être ? À présent tout notre temps est à nous. J’attendais ton réveil depuis trois heures ; j’ai déjà passé deux fois chez toi, tu dormais. J’ai été aussi deux fois chez Zosimoff ; il était absent, mais n’importe, il viendra. En outre, j’ai eu à m’occuper pour mon propre compte, j’ai changé de domicile aujourd’hui, il m’a fallu tout déménager, y compris mon oncle. C’est que, vois-tu, j’ai à présent mon oncle chez moi… Allons, assez causé, maintenant à notre affaire !… Donne ici le paquet, Nastasia. Nous allons tout de suite… Mais comment te sens-tu, mon ami ?

— Je me porte bien ; je ne suis pas malade… Razoumikhine, il y a longtemps que tu es ici ?