Page:Dornis - Leconte de Lisle intime, 1895.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses amis faire une campagne plus sérieuse en 1877, pour le fauteuil de Joseph Autran. Il refusa d’ailleurs de faire les visites d’usage ; il disait comme le Misanthrope : « J’aurai donc le plaisir de perdre mon procès. » Il obtint une voix, il ne douta point que ce fût le vote de Victor Hugo. Il lui écrivit :

« J’ai votre voix, je suis élu. »

Pourtant, lorsqu’on feuillette la correspondance échangée entre les deux poètes, on est surpris de constater que pour louer Leconte de Lisle, Victor Hugo ne sortit presque jamais de ces formules obligeantes et vagues, qu’il prodiguait aux plus médiocres par bienveillance ou par dédain. L’exagération même de certains éloges était suspecte à Leconte de Lisle. On trouve dans ses papiers une note manuscrite où il dit :

« Je n’ai connu Hugo que fort tard, en 1874. Il a été paternel et parfait pour moi. Comme je lui disais un jour que j’avais dû aux Orientales la révélation de la poésie, il me répondit : « Si vous aviez écrit avant moi, j’aurais « à vous adresser le même remerciement. » — Il n’en pensait pas un mot, naturellement, ni moi non plus. — Il m’a toujours, jusqu’à la fin, témoigné les mêmes sympathies, votant pour moi à chaque élection académique, et me désignant pour son successeur. »

Leconte de Lisle était d’ailleurs persuadé que Victor Hugo n’avait jamais lu ses vers, qu’il en parlait par ouï dire, sur des fragments rencontrés ou entendus par hasard. Aussi résistait-il à la douceur de se réjouir des formules