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dont il usait envers lui-même. On peut dire qu’il porta toujours sur le visage un de ces masques comme les Grecs en plaquaient sur la face de leurs tragédiens. Celui qui recouvrait ses traits était sculpté à l’image d’une divinité impassible qui, par sa bouche d’airain, pendant soixante années de vie littéraire, soutint le même rôle, dit les mêmes paroles.

Un des articles du « Code parnassien » obligeait ceux des poètes qui l’avaient accepté à dédaigner non seulement la foule, mais toutes les distinctions de hiérarchie. L’Académie leur apparaissait comme une institution de servitude, et on la raillait avec une verve de persiflage sous la sincérité de laquelle se cachait peut-être un obscur regret. Leconte de Lisle se décida pourtant à s’y présenter. Après une première candidature en 1873, il laissa

    ginalité lyrique ou dramatique, mais ayant écrit çà et là de beaux vers. Oublié, peut-être injustement.

    Baudelaire : Très intelligent et original, mais d’une imagination restreinte, manquant de souffle. D’un art trop souvent maladroit.
    Théodore de Banville : Spirituel, aimable, bienveillant, artiste habile, brillant, mais superficiel.
    Auguste Barbier : Un mouton affublé d’une peau de lion assez bien ajustée dans les « Iambes », mais tombée en de telles loques dans ses dernières poésies, qu’il était désormais impossible de se méprendre sur la nature de l’animal. Cependant, a écrit de fort beaux vers dans « Il Piento », très supérieur aux « Iambes », et, par cela même, infiniment moins connu.
    Alfred de Vigny : Un grand et noble artiste, malgré de fréquentes défaillances d’expressions, ayant toujours vécu dans la retraite, pauvre et digne, fidèle jusqu’à la fin à l’unique religion du Beau.
    Théophile Gautier : Excellent poète, excellent écrivain. Très injustement négligé.
    Béranger : Ses chansons de circonstance et son Dieu de cabaret philanthropique, tout cela a été à la mode, et, comme tout ce qui a été à la mode, tout cela est en poussière aujourd’hui et à jamais.